Respire ta vie
Deux billets par an, ça ne ressemble plus à grand chose mais je tiens malgré tout à laisser vivre ce blog, pour partager avec ceux qui m'ont suivie les moments forts qui jalonnent le cours de cette nouvelle vie.
Ma fille aura 15 ans demain, 15 ans de miracle quotidien de la voir grandir, de voir ma crevette d'1.4kg à la naissance se dresser à côté de sa petite maman du haut de son 1.70m aujourd'hui, 15 ans de bonheur indicible mais aussi 15 ans où mon bout de chou a connu bien plus que ce qu'elle n'aurait dû, 15 ans de prise de conscience que la vie n'est pas facile, qu'il faut se battre, chaque jour un peu plus. J'aurais voulu l'épargner, la vie en a décidé autrement. Mon coeur de maman saigne trop souvent mais au-delà de tout ça je suis fière, fière de la jeune fille qu'elle est devenue, fière de voir comme elle est forte. Je sais qu'elle sera une adulte autonome, indépendante, tolérante, aimante, Humaine si ce n'est humaniste, généreuse, ouverte d'esprit. Je sais qu'elle aura acquis un regard hors norme sur la vie, le texte qui suit en est la preuve.
Ce texte a été la support de son cadeau pour mes 5 ans de greffe. Elle a fait fi de ses angoisses pour se replonger dans cette période qu'elle a vécu à à peine 9 ans, cette période qu'elle a en partie, consciemment ou inconsciemment, refoulée. Ce texte qu'elle a écrit pour moi, elle le lisait dans une vidéo qu'elle a monté sur fond sonore avec des photos qui retraçaient notre parcours. Jamais elle ne m'avait fait autant pleurer. Elle a atteint ce jour-là le tréfonds de mon âme. Ce texte, le voici :
"Chaque jour passe et tu es là, auprès de moi, tu es mal, tu te bats mais tu t'en sors. Tu souffres, tu ne laisses rien paraître mais tu ne tiendras pas éternellement. Tu nous aimes.
Dépendante de ton oxygène, tu ne peux plus bouger, tu ne fais qu'espérer. Un soir, on t'appelle : pour eux, un départ, pour toi, la chance d'une deuxième vie. Je ne réalise pas que je vais être séparée de toi pendant trois mois. Tu t'éloignes sur le chemin, je te regarde partir mais quand vas-tu revenir ?
Un opération, une transplantation. Les médecins sont là mais je suis loin de toi. Je ne réalise pas, je refoule mes idées noires, cette étape est l'espoir d'une nouvelle vie. Derrière ton aquarium de verre je te vois essayer de sourire, ta trachée est encombrée. Ma maman est là devant moi mais je ne la reconnais pas. Je crois même que je t'en veux, tu n'as pas le droit de me faire ça ! Mais je comprends peu à peu que tu fais de ton mieux.
Les jours passent, tu te rétablis, tu revis. Je retrouve ma maman chérie. On te transfère à la Pignada, toi dans ta chambre, moi comptant tes pas. Maintenant tu gravis la dune du Pilat. Ma maman est de retour après une erreur de parcours.
Revenue à la maison, je te demande pardon pour ces années de rancoeur mais tu panses mon petit coeur. Première randonnée, tu veux montrer ta force et surtout ta volonté. Je te vois gravir les échelons de ta nouvelle vie.
Et puis, une séparation, on déménage. De nouvelles rencontres, tu fais des expériences, tu tâtonnes, tu cherches ta place, et c'est normal. Chaque jour je te découvre, te redécouvre mais tout ce que je sais c'est que je t'aime.
Les années passent et tu es là, pour moi, pour nous. Tu es heureuse.
Je ne me souviens que d'un mur immense et nous l'avons franchi, ensemble. Respire ta vie. "